La conscience de l'Adventiste du 7e Jour n'ignore pas que l'histoire a attendu trop longtemps l'achèvement de l'oeuvre dans le sanctuaire. Puisque Christ aurait pu venir plus tôt, c'est donc évidemment que quelque chose de grave l'a retenu. Puisque l'oeuvre dans le sanctuaire est effectuée par Christ Lui-même, on doit se poser la question : « Pourquoi ne peut-il se lever et proclamer : C'en est fait »? Si plus d'un siècle de retard ne suffit pas, alors combien de temps cela prendra-t-il? Si nous voulons maintenir la revendication de notre héritage sacré, il faut trouver une réponse.


Des théologiens et des exégètes de la Bible ont beau s'en gausser, les Millérites et les premiers Adventistes virent dans le chapitre 10 de l'Apocalypse le symbole de leur tragédie. Le « petit livre » fourni par l'Ange était « doux comme le miel » lorsqu'ils le mangèrent et ils vécurent dans la joie leur expérience d'amour et de solennelle anticipation du retour du Seigneur le dixième jour du septième mois. Mais lorsque leurs espoirs se brisèrent, ce fut vraiment « amer » dans leurs entrailles. Qu'ils dussent aller « devant bien des peuples, des nations et des langues » pour proclamer un nouveau message, c'était plus qu'ils n'avaient jamais envisagé, mais ils accueillirent cette mission comme venant de Dieu.


D'après ce qu'avait dit l'ange, « il n'y aurait plus de temps » (Apoc. 10:6). Aussi, à n'importe quel moment depuis 1844 la fin aurait pu survenir car le laps de temps des 2 300 ans avait pris fin. Dans le contexte de l'éternité, le « temps » est la conséquence du péché. Il n'est qu'une petite interruption de l'éternité et n'aurait jamais existé sans le péché. Il a eu un « commencement » et il y aura une « fin ». C'est l'ère du péché entre un passé infini et un futur infini. L'homme mortel est douloureusement conscient que la tombe attend tout le monde. « Le temps » colore et commande toutes les démarches d'un être humain. Cela explique l'obsession de voyager toujours plus vite. On a l'impression de déjouer la mort dans le cadre du temps. Mais cela est étranger au gouvernement céleste. Cela ne saurait exister en présence du Dieu Éternel, le Grand « Je suis ». Le ciel ne peut agir que dans le cadre de l'éternité qui est extérieur au péché.


Pour ceux qui se demanderaient comment un Sabbat au ciel s'accorde avec ce concept, il faut noter que le Sabbat fut « créé » au terme de six rotations de la terre. À la septième rotation « Dieu acheva son oeuvre qu'il avait faite; et il se reposa au septième jour ». Toutes les rotations étaient et sont identiques. C'était et c'est seulement la parole du Seigneur qui déclara que chaque septième rotation sera « bénie » et « sanctifiée ». Cela ne reposait pas sur un facteur de « temps » en tant que tel. Cela reposait et repose toujours uniquement sur la Parole du Seigneur qui est éternelle.


Cela signifie que depuis l'année 1844, le dessein du Ciel a été que le péché prenne fin. Le Ciel était prêt. Toutes les éventualités avaient été prévues. Le « petit livre » fut descellé, « le mystère de Dieu devait s'accomplir ». Une telle situation n'aurait pu exister avant 1844 car il était nécessaire que la prophétie de la plus longue durée soit accomplie. Aucune génération antérieure ne pouvait parvenir à la compréhension requise car l'entière vérité du sanctuaire était encore inconnue. La prophétie des 2 300 jours de Daniel est un élément essentiel pour éclairer le conflit entre la vérité et l'erreur que le cosmos allait affronter. Selon le plan divin, 2 300 années seraient suffisantes pour en finir avec le péché. L'univers entier serait en état d'en voir les terribles conséquences. Le péché aurait régné assez longtemps. Depuis l'époque de la croix au Calvaire jusqu'à l'an 1844, des millions de personnes auraient eu l'occasion d'entendre parler de la vie et de l'oeuvre de Christ quand Il était sur la terre. Le monde connu au temps des apôtres eut le privilège d'être témoin direct ou d'entendre parler de l'inauguration de l'évangile et de la puissance de Dieu. Pour aider les hommes de peu de foi, il y eut des miracles. Le Ciel fit en sorte qu'il soit aussi facile que possible pour le monde entier de comprendre la délivrance du péché.


Pendant toutes les années où l'Église travailla depuis le Calvaire jusqu'en 1844, le problème resta identique. Le péché domina. Ainsi, aussi longtemps que le péché demeurait, le « prince de ce monde », Satan lui-même, tenait l'homme sous sa domination. Le coeur continuait à être « désespérément mauvais ». S'il est vrai que Christ avait « écrasé » la tête du serpent, néanmoins le serpent n'était nullement mort. Dans la pratique, il régnait toujours. La justice de la loi était encore à accomplir en nous.


Une telle situation met en question la puissance de l'évangile. Avant la venue de Jésus en son premier avènement, le plan du ciel était clairement énoncé : « Tu lui donneras le nom de Jésus; c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » (Mt. 1:21). Après le Calvaire, le ciel devait tolérer le règne du péché pendant une période donnée, seulement jusqu'en 1844, le terme des 2 300 jours. Après 1844, une nouvelle oeuvre devait être inaugurée. Les péchés du peuple de Dieu devaient maintenant être effacés. Il devait se former toute une génération de personnes ayant un caractère semblable à celui du Christ, telles que l'univers n'en a jamais vues jusqu'à ce jour. Le sanctuaire devait être purifié.


Comment ce qui est propre peut-il être purifié?


Le texte-clef qui stimula les Millérites dans leur étude utilise pour signifier la purification un mot que l'on ne trouve nulle part ailleurs dans l'Ancien Testament. Notre propre commentaire adventiste (S.D.A. Bible Commentary) donne de Daniel 8:14 une vue significative qui mérite toute notre attention :

De l'hébreu sadaq, « être équitable » « être juste ». Le verbe ne se rencontre sous cette forme (niphal) qu'en cette occurrence dans l'Ancien Testament, ce qui peut donner à penser qu'il indique un sens spécial. Les lexicographes et les traducteurs suggèrent divers sens, tels que « être redressé », ou « être légitimé », « être rectifié », « être déclaré juste », « être justifié », « être défendu » ... Ainsi l'hébreu sadaq peut exprimer l'idée additionnelle que le caractère de Dieu sera pleinement justifié, au moment suprême de « l'heure de son jugement » (Apoc. 14:7) qui a commencé en 1844.


Ce mot important dans un texte-clef se présente sous une forme qu'on ne trouve nulle part ailleurs dans l'Ancien Testament, bien que le mot « purifié » soit employé dans beaucoup d'autres textes. Ce mot « purifié » tel qu'il est employé ici donne un sens qui devrait nous enseigner comment Dieu travaille. C'est le dixième jour du septième mois lévitique qui attira l'attention des Millérites, car, « en ce jour on fera l'expiation pour vous, afin de vous purifier : vous serez purifiés de tous vos péchés devant l'Éternel. " (Lév. 16:30).


On peut voir la signification de ce mot sadaq dans d'autres traductions. En voici cinq interprétations différentes: RSV : « Alors le sanctuaire sera rétabli dans sa légitimité » ; l'allemand de Luther ; « Alors le sanctuaire sera de nouveau consacré » ; Hongrois : « Alors le sanctuaire rentrera en possession de son bien » ; la Septante : « Alors le sanctuaire sera purifié » ; Moffatt : « Alors le sanctuaire sera restauré ». Manifestement ces interprétations montrent que le sanctuaire était tombé en discrédit, était souillé et avait besoin « d'être rétabli dans sa légitimité », « consacré de nouveau », de « rentrer en possession de son bien ». Cela ne peut vouloir dire que « restauré » en l'état qui avait été le sien à une époque antérieure.


Par définition le sanctuaire est un lieu consacré puisque voué à la garde des choses saintes, et c'est cela qui devait être réhabilité. En ce sens la Bible emploie le mot sanctuaire alternativement avec le mot « temple », et dans chaque cas nous avons l'idée d'un lieu où Dieu demeurerait. À l'origine l'idée était celle-ci : « Qu'ils me construisent un sanctuaire afin que je puisse habiter au milieu d'eux. » (Lév. 25:8)


Les faits nous montrent que la purification du sanctuaire requiert qu'il soit rétabli dans la légitimité, restauré, et ce travail doit concerner la seule chose qui pouvait le souiller, à savoir le péché. Miller comprenait clairement que « par sanctuaire nous entendons l'Église », et, bien entendu, une église est un corps constitué de personnes.


Mais cette notion s'est obscurcie avec le temps et trop d'Adventistes se contentent de penser à cette « purification » comme à quelque tâche lointaine dans les cieux, attendant son achèvement. Une telle conception laisse le monde et le péché dans un état nébuleux avec un Créateur peu concerné. Elle impliquerait que les malheurs persistants de la race humaine seraient au moins en partie de la faute de Dieu. Un tel raisonnement ne tient pas devant sa justice et sa miséricorde. Notre entendement a besoin d'être « purifié ».


La pensée confuse a une longue histoire


On a obscurci les desseins avoués de Dieu depuis qu'Ève attendait son premier-né jusqu'à aujourd’hui. Souvent les acteurs de l'histoire ont été aveugles à ce que des générations ultérieures ont vu très clairement. Les preuves en sont si nettes que la génération présente ferait bien de se demander en quoi son discernement pourrait être en défaut.

Le noble office de prophète n'offrait pas une garantie de clairvoyance à cent pour cent. « Il n'était pas donné aux prophètes de comprendre pleinement ce qui leur était révélé », même s'ils avaient eu un grand désir de savoir. Les disciples en contact quotidien avec Christ ne comprenaient pas le message. Quand ils furent envoyés prêcher « les temps sont accomplis, le royaume de Dieu est proche : repentez-vous et croyez à l'Évangile » ils ne voyaient le Messie que comme un prince temporel. Le message même qu'ils portaient était fondé sur le neuvième chapitre de Daniel, mais ils ne parvenaient pas à saisir que « après les soixante deux semaines, un oint sera retranché. » (Marc 1:15 ; Da. 9:26). Leurs yeux étaient fixés sur les splendeurs d'un royaume de ce monde.


Une manière semblable de penser conduisit Jean le Baptiste à la même erreur. Il ne comprenait par la nature de l'oeuvre de Christ et il espérait que la nation juive serait délivrée de ses ennemis politiques.


Toutefois, l'aveuglement des disciples pouvait encore être guéri. Le jour vint où ils perçurent leur erreur et comprirent que le culte dans le temple, « les sacrifices et les oblations », devaient cesser. Mais il y avait un Gethsémané, un Golgotha, une tombe et une résurrection entre leur blocage mental et leur compréhension céleste. Les membres de la jeune église devaient comprendre la place de la croix dans leur vie. C'est alors seulement qu'avec des paroles bouleversantes Christ put ouvrir leurs oreilles à ce que disaient les Écritures.


« Ô hommes sans intelligence et dont le coeur est lent à croire tout ce qu'ont dit les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrit ces choses, et qu'il entrât dans sa gloire ? Et, commençant par Moïse et tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait ... C'est là ce que je vous disais lorsque j'étais encore avec vous, qu'il fallait que s'accomplit tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moïse, dans les prophètes et dans les Psaumes. Alors il leur ouvrit l'Esprit, afin qu'ils comprissent les Écritures. " (Luc 24:24-27 ; 44-45).


Les disciples n'étaient pas seuls dans leur ignorance, car Paul aussi marchait dans les ténèbres, complètement engagé dans l'erreur jusqu'à ce que son esprit fût éclairé et que ses yeux s'ouvrissent. Lui aussi il avait étudié les prophéties de l'Ancien Testament mais les vérités qu'elles contenaient échappaient à son entendement. Après sa vision il fut en mesure d'écrire l'épître aux Hébreux et de montrer à l'église l'oeuvre de Christ dans le sanctuaire céleste. Quelle différence il aurait pu y avoir dans l'histoire de la primitive Église si elle avait pu le voir beaucoup plus tôt !


Il y a une bonne raison pour que Christ ait commencé par Moïse, parcouru les prophètes et conduit les disciples jusqu'au déchirement du voile du temple. Pourtant l'économie du Judaïsme avait été bâtie autour des services du temple. Pourtant lorsque vint l'Agneau véritable, on ne le reconnut pas. Les services du sanctuaire étaient devenus un rituel, une fin en soi. Les cérémonies étaient un mode raffiné de salut par les oeuvres. Les participants ne parvenaient pas à percevoir le besoin de leurs propres coeurs ni à comprendre la conséquence du péché telle qu'elle était révélée dans chaque sacrifice - la mort. Mais Christ conduisit les disciples au-delà même du déchirement du voile et leur fit voir son oeuvre future. Ils eurent un aperçu de ce qu'elle serait dans le ciel à « la droite de Dieu ».


La confusion des 19e et 20e siècles


Le récit de l'histoire montre clairement que les Millérites virent dans leur expérience une direction évidente de Dieu. Bien des vies avaient été changées, bien des caractères rénovés, pourtant le même aveuglement qui avait obscurci le dessein de Dieu pour la descendance physique d'Abraham atteignait sa postérité spirituelle et confirme son lignage. Remarquez le parallèle tracé par Ellen White :

« Comme les premiers disciples, William Miller et ses associés ne comprirent pas eux-mêmes pleinement la teneur du message dont ils étaient porteurs. Des erreurs depuis longtemps incrustées dans l'Église les empêchèrent de parvenir à une interprétation correcte d'un point important de la prophétie. C'est pourquoi, bien qu'ils aient proclamé le message que Dieu leur avait confié pour le monde, ils éprouvèrent une déception parce qu'ils en avaient mal compris la teneur... Miller et ses associés accomplirent la prophétie et livrèrent un message que l'Inspiration avait annoncé devoir être donné au monde, mais qu'ils n'auraient pu donner s'ils avaient pleinement compris le message à prêcher à toutes les nations avant la venue du Seigneur. »


Les Millérites étaient en bonne compagnie, car ils ne firent qu'imiter les disciples de Christ lorsque ceux-ci ne comprirent pas l'appel de Dieu et que des vérités spirituelles leur échappèrent. Comme les Juifs, ils acceptèrent et adhérèrent à des erreurs courantes qui les aveuglèrent. Pour nous la portée de tout ceci est très grande. Quelle garantie avons-nous d'y voir plus clair qu'eux ?


Il est tout à fait évident que ni l'époque ni le lieu, la situation ou quelque autre critère humain ne peuvent assurer au peuple de Dieu l'immunité contre l'erreur spirituelle ou le malentendu. Pas même un appel direct du ciel et une délégation divine ne peuvent préserver à coup sûr des idées fausses.


Les Adventistes du 7e Jour doivent donc examiner la grande vérité du sanctuaire en gardant cela à l'Esprit et en se souvenant que leurs ancêtres spirituels faillirent à cause des erreurs courantes qui les aveuglaient. Ceci n'implique en aucune façon qu'une partie de ce que nous avons cru était hérésie. Ce qui était « vérité présente » il y a cent ans est toujours vrai. Le temps n'altère jamais la vérité. Mais elle n'est pas « présente » ni suffisante pour cette fin des temps en ce sens qu'elle n'est pas une notion plus mûre et plus vaste de Dieu et des principes de Son gouvernement.


En conséquence, il serait tragique que l'Église du Reste considère si peu que ce soit que le retard du second avènement est dû à ce que l'oeuvre de purification a échoué dans le ciel. Tout aussi désastreuse serait l'idée que le second avènement de Christ dépendrait d'un plus grand nombre de membre d'un plus grand nombre d'institutions, d'une meilleure stratégie et du bon accueil du monde.


Dans l'histoire sainte, les échecs ont toujours été la conséquence de la pauvreté spirituelle, jamais du manque de ressources, d'une stratégie imprudente ou d'une piètre réputation. La septième Église, la dernière Église n'a pas été mise en accusation parce qu'elle se repose et n'a pas d'oeuvres », car le Témoin Fidèle dit clairement qu'Il connaît ses « oeuvres ». L'accusation est : « tu... ne sais pas » (Apoc. 3:17). Il désigne un aveuglement au moment même où le sanctuaire doit être purifié.