Un théologien bien connu disait il y a une quarantaine d'années que nous ne pouvons nous offrir le luxe de défaire ce qu'ont fait nos pères, même si ceux-ci étaient libres de prendre une autre voie. Ainsi le passé reste présent et a un caractère irrévocable. Moins nous connaissons le passé, plus nous sommes en danger de retomber dans les erreurs déjà commises auparavant. En tant qu'Église, pouvons-nous nous voir nous-mêmes dans l'histoire?


Les Juifs se contentèrent de considérer leur existence entière sous l'aspect d'une « nation » qui devait se faire une place temporellement et soumettre toutes les autres. Ils espéraient que le Messie ferait pour eux ce que la nation n'avait pas accompli durant tant de siècles. Mais leurs oreilles n'entendirent pas ce que dit le Messie quand Il vint.


Trop d'Adventistes du 7e Jour se contentent de se voir comme une Église qui ne cesse de grandir et d'être de mieux en mieux accueillie dans le monde entier. Si nous pouvons construire et faire durer des institutions renommées et si nous obtenons le parrainage des gouvernements dans des pays éloignés, nous pensons que notre position sera assurée. Une appréciation justifiée nous dispensera certainement d'être classés comme « secte ».


Mais nous oublions que Jésus est né dans une étable. Ses humbles débuts n'étaient pas pour satisfaire aux normes de ce monde. La prophétie avait indiqué pour lui un plan à remplir indépendamment des réputations mondaines. Sa notoriété n'allait pas se fonder sur des critères établis par des hommes. Ses lettres de créance devaient être trouvées dans Son message.


De manière analogue, les Adventistes sont nés dans la pauvreté. Nous devons bien évaluer l'origine de nos lettres de créance. À une époque où nous n'étions pas encore conçus, avant même que nous ayons une existence embryonnaire, mais conformément au plan de Dieu, des hommes pieux, dans divers pays, furent simultanément poussés à examiner les Écritures. Suivant leur conviction, ils étudièrent et reconnurent que le second avènement de Christ était proche.


Le porte-parole le plus remarquable dans l'hémisphère occidental fut le fermier-prédicateur William Miller, que nous devons revendiquer comme notre aïeul dans la foi adventiste. Il argua que si les prophéties accomplies dans le passé donnent une clef pour comprendre celles qui restent encore devant nous, il devrait y avoir, littéralement, un second avènement de Christ. Et cet avènement tournait autour du texte de Daniel : « Deux mille trois cents soirs et matins, puis le sanctuaire sera purifié. » (Da. 8:l4) Cependant, malgré l'amère déception, les faits historiques demeuraient et neuf ans plus tard, J.N. Andrews écrivit au sujet de la date du 22 octobre : « Personne ne peut démolir l'argument chronologique selon lequel les 2 300 jours s'achèvent à cette date. »


Avant de prêcher en public, Miller, à la suite de quatorze ans d'études disait dans une des centaines de lettres qu'il écrivit sa conviction, dont les Adventistes devraient tenir compte aujourd'hui : « La première preuve que nous avons concernant le temps du second avènement de Christ, est en Daniel 14 : « Deux mille trois cents jours; puis le sanctuaire sera purifié » - par « jours » nous devons entendre « années », par « le sanctuaire » nous entendons l'Église; « purifié », nous pouvons raisonnablement supposer que cela signifie cette complète rédemption du péché, tant de l'âme que du corps, après la résurrection, lorsque Christ viendra la seconde fois « sans péché pour le salut ».


Nous devrions remarquer particulièrement ceci : par « le sanctuaire » nous entendons « l'Église ». Ceci est d'une importance capitale pour comprendre l'expiation finale, une tâche pour le peuple de Dieu, l'Église, la Nouvelle Jérusalem. La compréhension que Miller avait de « l'Église » lui venait de son étude de la Bible.


Le désappointement


On avait publié des centaines de milliers de tracts, de brochures et d'affiches. On avait prêché le dernier sermon. On avait payé ses dettes et réglé tous ses comptes. C'était le 22 octobre 1844, le jour où Christ devait revenir. Le matin arriva, l'après-midi, puis la nuit noire et à la fin l'horloge marqua minuit passée. Il ne revint pas. Le désespoir des croyants fut sans bornes. Les larmes coulèrent à flots.

Hiram Edson, un croyant notable de l'époque, vécut cette expérience. Dans un récit manuscrit il a exprimé sa douleur : celui-ci devrait être lu avec beaucoup de compassion par ceux qui, de nos jours, parlent de l'avènement à la légère. Pouvons-nous comprendre leur désespoir? Pouvons-nous nous situer dans cette histoire? Voyez ce récit :


« La journée s'écoula enfin, et notre désappointement devint une certitude. Nos espoirs les plus chers, nos perspectives étaient anéanties, un besoin de larmes comme je n'en avais jamais connu auparavant nous submergea. C'était, semblait-il, sans comparaison même avec la perte de tous nos amis de la terre. Nous pleurâmes et pleurâmes jusqu'à l'aube.


» Je méditais en mon coeur, me disant que mon expérience adventiste a été la plus riche et la plus belle de toutes mes expériences chrétiennes. Si elle s'avérait être un échec, que valait le reste de mon expérience chrétienne? La Bible s'est-elle montrée fausse? N'y a-t-il pas de Dieu, - ni de ciel, - ni de demeures dorées, - ni de paradis? Tout cela n'est-il qu'une fable habilement agencée? Notre espoir le plus cher, notre attente de ces choses, n'ont-ils aucun fondement? Alors nous avions des raisons de nous attrister et de pleurer, car tous nos espoirs les plus chers étaient perdus. Et, comme je l'ai dit, nous avons pleuré jusqu'à l'aube. »


Après le désappointement les croyants se mirent à méditer plus profondément ce qui s'était réellement passé en 1844 - comment on devait comprendre le type et l'antitype. On avait la conviction inébranlable que Dieu avait été avec ce mouvement. On en avait vu les preuves de tous côtés par les vies transformées. Le lendemain matin. 23 octobre, Hiram Edson avec d'autres, probablement Dr. F.B. Hahn et O.R.L. Crosier prièrent ensemble, demandant la lumière dans leur détresse. Edson dépeint leur expérience d'une façon très significative :


« Après déjeuner, je dis à l'un de mes frères : " Allons voir quelques-uns de nos frères pour les réconforter. " Nous partîmes et, en traversant un champ, je fus arrêté vers le milieu. Le ciel semblait s'ouvrir à mes yeux et je vis nettement, clairement que notre Souverain Sacrificateur, au lieu de sortir du Lieu Très Saint du sanctuaire céleste pour venir sur la terre le dixième jour du septième mois, au terme des 2 300 jours, était entré pour la première fois ce jour-là dans la seconde salle de ce sanctuaire; qu'il avait une tâche à accomplir dans le Lieu Très Saint avant de venir sur la terre, qu'Il venait à ce moment-là pour les noces; en d'autres termes, à l'Ancien des Jours, pour recevoir un royaume domination et gloire; et nous devons attendre son retour des noces : et mon esprit fut dirigé, vers le dixième chapitre de l'Apocalypse, où je vis que la vision avait parlé, et n'avait pas menti; le septième ange avait commencé à sonner; nous avions mangé le petit livre, il avait été doux dans notre bouche, il était devenu amer dans nos entrailles, remplissant tout notre être d'amertume. Que nous devions prophétiser encore etc... et que lorsque le septième ange avait commencé à sonner, le temple de Dieu s'était ouvert dans le ciel, qu'on voyait dans son temple l'arche de son Testament, etc...


» Tandis que j'étais ainsi debout dans le champ, mon camarade s'éloigna presque hors de portée de voix avant de s'apercevoir de mon absence. Il demanda pourquoi je m'arrêtais si longuement. Je répondis : " Le Seigneur répondait à notre prière du matin en donnant une lumière au sujet de notre désappointement. " Je dis ces choses à mes frères. »


C'est ce témoignage d'un homme passé par la déception qui contrarie les Évangéliques. Ils appellent cela « un expédient pour sauver la face ». Mais est-il croyable que des gens qui ont pleuré la nuit entière d'une douleur sainte de n'avoir pas vu le Seigneur revenir montent une supercherie pour l'imposer à leurs propres amis et frères dans la foi? Une telle accusation est illogique, cruelle et injustifiée. Elle ne tient pas face à l'histoire sainte et à la symbolique donnée aux Juifs et confirmée par le Véritable Agneau du Calvaire.


Leur désappointement ne les empêcha pas de poursuivre leur étude. Quinze mois plus tard, O.R.L. Crosier publia dans le Day-Star Extra du 7 février 1846 une étude complète des services du temple et de leur signification. C'est à cet article qu'Ellen White faisait référence le 21 avril 1847. Elle souscrivait nettement à l'exposé de Crosier en ces termes :


« Le Seigneur M'a montré dans une vision, il y a plus d'un an, que Frère Crosier avait la vraie lumière sur la purification du sanctuaire, etc...; et que c'était Sa volonté que Frère C. expose la conception qu'il nous a donnée dans le Day-Star Extra du 7 février 1846. Je me sens pleinement autorisée par le Seigneur à recommander cette revue à tous les saints. »


De nos jours l'exposé de Crosier n'est connu que d'un petit nombre d'Adventistes. Il reste principalement un document d'archives, mais il était solidement fondé sur les Écritures et sur le dessein que l'ancien Israël avait compris pendant des siècles. Il contient nombre de vues profondes dont les Adventistes ont besoin aujourd'hui.


Comment Crosier vit clair


Si chaque Adventiste méditait et saisissait l'importance de ce qu'a dit Crosier, il y aurait un réveil dans l'Église aujourd'hui.


Son exposé éliminerait les doutes que beaucoup semblent avoir au sujet de la place unique que notre Église doit occuper. Le temps n'a fait qu'accroître la valeur de ce qu'il disait. Son article avait plus de sept pages sur trois colonnes en petits caractères. Nous énumérons ici et numérotons pour faciliter les références quelques-unes de ses idées principales :


1) « Le Sanctuaire était le coeur du système typique. » Le Seigneur n'a pas dit à Daniel quel sanctuaire devait être purifié au terme des 2 300 jours, mais il l'appela "le sanctuaire". »


2) En opposition à ce sanctuaire il y avait le sanctuaire de l'Ancien Testament. Celui-ci, Paul l'appelle le Sanctuaire de la première alliance, « qui était une figure pour le temps actuel ». (Hébr. 9 : 1-9)


3) Lorsque Christ monta au ciel Il devint « un ministre du sanctuaire et du véritable tabernacle, qui a été dressé par le Seigneur et non par un homme ». (Hebr. 8 : 2) Celui-ci est le sanctuaire « de l'alliance plus excellente » ou nouvelle alliance (vers. 6). « Le Sanctuaire qui doit être purifié au terme des 2 300 jours est aussi le Sanctuaire de la nouvelle alliance. » Le véritable tabernacle qui fait partie du Sanctuaire de la nouvelle alliance, fut dressé par le Seigneur, en opposition à celui de la première alliance qui fut fabriqué et dressé par l'homme. Et qu'est-ce donc que le Seigneur a dressé? « Une cité qui a de solides fondements, celle dont Dieu est l'architecte et le constructeur ». (Hébr. 11:l0) « Quel est son nom? La Jérusalem céleste. » Le Sanctuaire de la nouvelle alliance est lié à la Nouvelle Jérusalem, comme le Sanctuaire de la première alliance l'était avec l'Ancienne Jérusalem.


4) Le sacerdoce du sanctuaire terrestre ou première alliance appartenait aux fils de Lévi; celui du sanctuaire céleste appartient au Fils de Dieu. Christ accomplit à la fois le sacerdoce de Melchisédeck et celui d'Aaron. Il participa à la chair et au sang, et Il était la postérité d'Abraham. Il fut « tenté comme nous en toutes choses, sans commettre de péché », « élevé à la perfection par les souffrances » et « il a dû être rendu semblable en toutes choses à ses frères, afin qu'il fût un souverain sacrificateur miséricordieux et fidèle ».


5) Les rites du sacerdoce lévitique ne rendaient pas parfait ceux pour qui ils étaient célébrés. Ces rites comprenaient un service journalier et un service annuel. Le service journalier n'expiait pas les péchés ni des individus ni de la collectivité. Mais il constituait une intercession perpétuelle. L'expiation était une oeuvre particulière pour laquelle des directives spéciales avaient été données. Christ devait « purifier les consciences » et « amener à la perfection pour toujours ceux qui sont sanctifiés. » (Hébr. 9:13-14; 10:14)


6) Le culte quotidien était différent de l'annuel lequel était accompli le dixième jour du septième mois. Pour le premier, le sacrificateur entrait dans le lieu saint, mais pour le second il entrait dans le Saint des Saints. Le premier était pour les cas individuels; le second pour la nation entière, la collectivité. « Le premier était fait pour le pardon des péchés, le second pour les effacer - le premier pouvait être fait n'importe quand, le second seulement le dixième jour du septième mois. » Ainsi ce dernier était pour Israël le jour le plus important de l'année, lorsque le sanctuaire était purifié au dedans par le sang. De même le sanctuaire de la nouvelle alliance est purifié.


7) Le dixième jour du septième mois, le travail concernait l'effacement des péchés et ceci ne pouvait avoir lieu avant le terme des 2 300 jours. Des hommes ont enseigné que l'expiation « fut accomplie et achevée sur le Calvaire, lorsque l'Agneau de Dieu expira. » Les églises et le monde l'ont cru, mais « ce n'est ni vrai ni sacré de ce chef, si cela ne s'appuie pas sur l'autorité divine. »


Note :


1. Si l'expiation fut faite au Calvaire, par qui le fut-elle? Accomplir l'expiation est l'oeuvre d'un Sacrificateur; mais qui officia au Calvaire?


2. Le meurtre de la victime n'accomplissait pas l'expiation; le coupable tuait la victime, (Lév. 4:1-4; 13-15; etc...) après quoi le Sacrificateur prenait le sang et accomplissait l'expiation. (Lév. 4:5-15; 16-21)


3. Christ était le Souverain Sacrificateur désigné pour accomplir l'expiation, Il n'aurait certainement pas pu officier en tant que tel avant sa résurrection et nous n'avons aucun récit d'une action quelconque de Sa part sur terre après la résurrection que l'on pourrait appeler « expiation ».


4. L'expiation était faite dans le Sanctuaire, mais le Calvaire n'en n'était pas un.


5. D'après Hébr. 8:4, il ne pouvait pas accomplir l'expiation pendant qu'Il était sur terre. Tant qu'il était sur la terre, il ne pouvait pas être un Sacrificateur. Le sacerdoce terrestre était lévitique; le divin est céleste.


6. Par conséquent, il n'a commencé l'oeuvre de l'expiation, quelle que soit la nature de cette oeuvre, qu'après son ascension, lorsque par son propre sang il est entré pour nous dans son Sanctuaire.


8) « Dans le Sanctuaire céleste notre Souverain Sacrificateur expie avec son propre sang et nous sommes pardonnés. » (Ps. 2:24) Le but de l'expiation le dixième jour du septième mois était « de purifier le peuple afin qu'il soit purifié de tous ses péchés devant l'Éternel ». (Lév. 16:30) « Le peuple était lui-même délivré de ses péchés par l'expiation faite préalablement pour chacun individuellement dans le Lieu Saint, pour le préparer à la purification annuelle. » Il est clair que c'était « une impureté morale plutôt que physique qui souillait le sanctuaire aux yeux du Seigneur ».


9) Sous le ministère quotidien des sacrificateurs, c'était le sang des taureaux et des boucs et les cendres d'une génisse qui étaient consacrés pour la purification de la chair; mais sous la nouvelle alliance c'est le sang de Christ qui purifie la conscience. Là, « la nécessité de purifier les choses célestes est provoquée par l'expiation qui y est accomplie par le sang de Christ pour la rémission ou pardon des péchés et la purification de notre conscience. " (Hébr. 9:22-25)


10) Après la purification du sanctuaire, les péchés étaient mis sur la tête du bouc émissaire. Celui-ci ne représente pas Christ, mais Satan car


a. le bouc n'était pas renvoyé avant que le Souverain Sacrificateur n'ait achevé la purification du sanctuaire (Lév. 16:20-21);


b. il est envoyé dans une terre inhabitée; ce lieu ne pouvait être le ciel où Christ entra;


c. le bouc recevait et emportait toutes les iniquités d'Israël mais lorsque Christ apparaîtra la seconde fois Il sera « sans péché »;


d. le bouc recevait les iniquités de la main du sacrificateur qui le renvoyait, il devait donc être autre que Lui-même;


e. ce bouc n’était pas sacrifié, son unique office était de recevoir les iniquités et de les emporter dans une terre inhabitée, laissant le sanctuaire purifié (Lév. 16:7-10, 22);


f. le nom hébreu du bouc émissaire est Azazel qui est le nom du diable;


g. à l'apparition de Christ au commencement du millénium, Satan est lié, ce qui est symbolisé par l'envoi du bouc dans le désert.


11) Le sanctuaire doit être purifié avant que Christ ne puisse revenir car Sa dernière « action portant les péchés de la multitude est de les emporter hors du sanctuaire après l'avoir purifié. » De même un autre événement doit avoir lieu, les noces de l'Époux, ce qui explique le cri de 1844 : « Voici l'Époux qui vient ».


Bien que publié presque deux décennies avant que l'Église Adventiste du 7e Jour officielle ait été constituée en 1863, cet article continue à avoir une grande importance. La théologie aberrante qui se répand dans notre Église aujourd'hui ne tient pas devant les conceptions bien raisonnées de Crosier, fondées sur la Bible et approuvées par Ellen White. Il y a des raisons de penser que lorsque ces principes seront compris par l'Église celle-ci sera capable de remplir le rôle qui lui a été donné - l'Épouse « sera prête » pour les noces.